Lettre à John Baird Callicott
Bonjour, heureux anniversaire, happy birthday
to you !
J’espère que vous soyez capable de lire en
français, car moi-même je suis nul en anglais.
Je viens de lire
votre texte « The Science as natural philosophy » dans un volume portugais
de 2004 (Cristina Beckert (org.), Éticas e Políticas ambientais) et
j’ai eu beaucoup d’estime pour votre courage. Signalé notamment dans votre
conviction que ‘au début du XXIe
siècle, notre équivalent à Descartes et à Newton ira reconstruire,
dans la science, un nouveau paradigme post-moderne, convaincant et solide, la
‘théorie de tout’ si souhaitée’ ; cela m’a beaucoup touché car, par un
chemin divergent du vôtre puisque ‘continental’, je suis arrivé fort surpris au
bout d’une vingtaine d’années à quelque chose de pareil, car ce n’était pas mon
but explicite.
Quelques
différences donc.
1) Il ne faut pas ‘un’ penseur seul, mais plusieurs, autant philosophes
que scientifiques, soit les trois grands phénoménologues, Husserl, Heidegger,
Derrida, et les principales découvertes scientifiques du XXe siècle : théorie de l’atome
et de la molécule, biologie moléculaire et neuronale, double articulation du
langage (Saussure, Martinet), inceste et exogamie (Lévi-Strauss), théorie des
pulsions de Freud. 4 de ces découvertes répondent des 4 grandes scènes historiques
que les sciences nous ont révélées : du cosmos (tout ce qui a noyau
atomique), écologique (avec ADN), sociétés humaines (unités locales avec
discipline concernant la sexualité), savoir occidental (alphabet,
définition) ; entre parenthèses, ce qui de chaque ‘chose’ est inhibé dans
la scène comme condition d’y circuler. Il a suffi d’un type moyen qui a eu la
chance de mettre des géants en rapport entre eux.
2) Le tournant de la phénoménologie : les différences avant les substances (Heidegger, Derrida). Reformulée, elle est ‘appliquée’
aux découvertes des sciences, celles-ci reprennent leur dimension philosophique
que Kant avait suspendu (votre ‘philosophie naturelle’) ; c’est donc philosophie
avec sciences (et pas ph ‘des’ sc), les
sciences font aussi partie de la philosophie. C’est la scène qui donne ses choses, la force de son hétéronomie en retrait leur laisse autonomie. Mais la physique, avec ses champs de forces attractives, y
cède sa place prépondérante à la biologie, elle devient une sorte de post-scriptum,
décrite ‘après’ les autres, ce qui va dans la bonne direction de l’écologie, de
l’éthique de la Terre.
3) La Physique d’Aristote (l’étant en mouvement) a été la seule
philosophie avec sciences qu’il y eût en
Occident jusqu’ici. Rendue possible par l’invention de la définition (Socrate et Platon), appliquée par lui à la phusis. Elle devrait être remplacée par cette phénoménologie scientifique, si
elle est acceptée, ce qui n’est pas du tout sûr, cela va de soi.
4) L’autre moment décisif de l’histoire de la pensée occidentale, suite à
celle de la définition, a été l’invention du laboratoire scientifique qui a ajouté à la définition des expériences de mouvement
mesurées. Équations théoriques dont les variables sont les mesures des
résultats expérimentaux, là est le cœur de la physique, quoi qu’il en soit des
interprétations des physiciens (changeantes) : c’est par là qu’elle a
rendu possible la technique qui ‘applique’ ces équations. Mais il faut ajouter
que c’est cela qui a rendu possible la trouvaille phénoménologique des
différences (les mesures, dans le cas) avant les choses mesurées, réduites par
la mathématique.
5) Le troisième moment, l’invention de la machine (puis de l’électricité), donc de l’industrie. La machine (notre
voiture) a une anatomie semblable à celle des vivants, mutatis mutandis, qui
n’a pas changé depuis Watt.
6) Je dois dire que je ne crois pas au ‘post’ : la mécanique de
Newton, avec ses équations, continue valable dans de nombreux domaines des
ingénieurs, les équations de Einstein valent pour des vitesses proches de la
lumière, les quantiques pour les dimensions des particules des grands
accélérateurs. En en tenant compte, on retrouve les équations de Newton et de
ses laboratoires ‘terrestres’ (mais j’ai beaucoup aimé vos considérations
finales sur la technologie).
7) Ce que je propose est systématique mais chaque ‘chose’ est indéterminée,
à partir des inertes (roche et érosion, fer et oxydation) et gagnant de
l’autonomie avec la complexité jusqu’aux énigmes des oiseaux, mammifères et des
humains.
8) Pour arriver à ceci, il a fallu faire un pas au-delà de Kuhn et pénétrer dans les paradigmes théoriques pour y déceler un obstacle
philosophique, le dualisme sujet / objet, et en refaire la description
théorique de ‘l’anatomie’ des choses dans chaque scène, en conséquence. On ne
peut pas se fier aux seuls savants de laboratoire, tout ignorants que nous
sommes de ce qui s’y déroule, car eux, ils ne savent pas qu'ils dépendent de la philosophie
‘moderne’, européenne, que le lycée nous a donné à tous avant que nous sachions
nous défendre, ce que Althusser appelait « la philosophie spontanée des
savants ».
9) Je suis pour l’écologie, comme tout le monde, mais n’en connais pas
assez pour lier mon travail à ces questions si graves et urgentes.
Voici. Si vous
lisez donc en français, j’ai deux blogues où je m’explique un peu et où sont
cités les deux livres concernant cette découverte.
Bonnes choses
F. Belo
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