sábado, 21 de junho de 2008

Force et énergie, c'est quoi?


Il faut les rapporter l’une à l’autre. Ce n’est pas une question de la seule Physique, c’est aussi une question de Phénoménologie

1. Le titre du chapitre 8 de Le jeu des sciences avec Heidegger et Derrrida sur les sciences de l’énergie et de la matière porte une prévention - ‘peut-être aussi’ - que ignorent ceux relatifs aux autres sciences, malgré que chez aucun de ces domaines il s’agisse de discuter sa ‘science’ avec le spécialiste, mais toujours de discuter philosophie: relative, non pas à chaque spécialité, bien entendu, mais à la conception théorique de la scène à laquelle cette science se réfère (et déjà le motif de scène est plus ou moins étranger aux spécialistes). Les concepts scientifiques sont nés historiquement des concepts philosophiques, de son modèle de savoir (c’est Socrate qui a inventé la définition et Aristote qui l'a divulguée) que les sciences ont reformulé par l’invention du laboratoire. Ils ont donc gardé ainsi une dimension philosophique, des rapports à d’autres concepts philosophiques ignorés par la rupture qui a donné naissance à chaque science. Ce rapport ignoré au contexte de sa naissance rend compte de l’aphorisme, inspiré de Letamendi : ‘un spécialiste qui ne connaît que sa spécialité, c’est sa spécialité elle-même qu’il ne connaît pas assez’. C’est pourquoi il semble inévitable que tout ‘spécialiste’ qui devienne lecteur de cette philosophie-avec-sciences puisse ressentir un malaise à sa lecture.
2. En Physique-Chimie, toutefois, la prévention devient plus significative, d’une part parce qu’il s’agit de la science la plus ancienne et à l’autorité la plus assurée, donc on peut présumer que leurs savants seront plus ‘difficiles’ à traiter si l’on veut discuter avec eux de ce qui leur concerne; d’autre part, par le fait que ce chapitre vient après celui des autres et après celui qui développe les quatre thèses d’ontologie décisives dans l’ensemble de l’œuvre. C'est-à-dire que non seulement la physique (et la chimie) cesse d’occuper la première place, principale, fondatrice, exemplaire, paradigmatique, dans la hiérarchie des sciences, mais dans la phénoménologie reformulée que l’on propose elle ne serait plus nécessaire, ne viendrait que pour ‘compléter l’ontologie’. Mais non, ce n’est pas tout à fait cela: car il a fallu l’intervention de Prigogine, en tant que scientifique et philosophe, dans le chapitre 2 consacré aux phénoménologues ; à la fin du même chapitre, la voiture automobile est le modèle partial offert à l’intelligence des mécanismes d’autonomie vivants; partial, puisqu’elle ne s’auto-reproduit: autant le rapport entre règles et aléatoire que le double bind de deux lois indissociables et inconciliables y devient plus clair.
3. Il faut s’attendre à ce que les physiciens soient parmi les moins intéressés par Le Jeu des Sciences avec Heidegger et Derrida et reprendre la prévention : il s’y agit de mettre en question, pour rendre compte de la phénoménologie de l’atome et de la molécule, leur conception ‘philosophique’ de ‘force’ et d’‘énergie’, en prenant appui sur leurs découvertes elles-mêmes, depuis Newton (lequel a d’ailleurs subi des physiciens du XXe siècle beaucoup d’attaques injustes, dans une sorte de revanche du savoir, comme lui-même avait assez malmené Aristote). Pour poser la question de savoir ce qui est une force, on peut partir du philosophe grec, notre Physique classique connaissant après le chapitre sur le mouvement (kinêsis, en grec), la Cinématique, un autre sur les forces, la Dynamique, dont le nom relève du grec dunamis qui, dans la Physique aristotélicienne, faisait couple avec un mot qu’Aristote avait lui-même forgé, energeia, dont le physicien anglais Young, au début du XIXe siècle, a fait notre ‘énergie’ (début du chapitre 13). Or, ce couple de motifs grecs était essentiel pour comprendre le mouvement : dunamis, c’est la force ou ‘puissance’ d’un corps pour l’effectivité d'une œuvre (ergon), en-ergeia ('acte', traduiront les latins), pour faire une maison, par exemple ; en bref, la force comme capacité devenait énergie dans l’acte. Force et énergie, si l’on peut dire sans anachronisme, se rapportaient l’une à l’autre - dans cette Physique qui a été la philosophie-avec-sciences des écoles européennes jusqu’au XVIIIe siècle – mais c’était d’abord pour rendre compte du mouvement des vivants : leur engendrement et leur corruption, leurs changements aussi, c’est-à-dire altération des qualités, croissance ou diminution de quantité, déplacement selon le lieu. Seul ce dernier a été retenu par Galilée et Newton, la Physique grecque étant d’abord (au service d’) une Biologie, mais aussi une Astronomie (le mouvement parfait des astres).
4. L’inertie de notre Physique a cassé le rapport entre dunamis et energeia et cessé de prendre le mouvement des vivants comme modèle: maintenant, c'est celui d’une force extérieure à un corps sans force propre (un coup de pied appliqué à un ballon, une boule de billard qui met une autre en mouvement), qui commence à se mouvoir, s’arrête ou change de vitesse selon, et se maintient ensuite dans ce nouvel état jusqu’à ce qu’une nouvelle force vienne l’altérer. L’équation de la future énergie - calculée selon la moitié du produit de la masse du corps par le carré de la vitesse – est toutefois dite théorème des forces vives (Leibniz), ce qui suggère que le rapport entre les deux n’est pas perdu, malgré l’extériorité de la force par rapport au corps en mouvement. D’autre part, la force de la gravitation, une force qui agit à distance, tout en étant comprise dans les équations, pose à Newton un problème, disons, d’interprétation : c’est à elle, en effet, que se rapporte son mot célèbre ‘hypothesim non fingo’, ‘je ne feins pas d’hypothèse’, c’est-à-dire que je suis incapable de la figurer, d’en faire la fiction ; en bref, il ne comprenait pas ce que c’est une force d’attraction à distance, sans doute parce qu’il tenait les forces, disons locales, du type ‘coup de pied’, d’action et réaction, comme modèle de compréhension. Feynman dans ses leçons de physique de 1961 disait que l'on ne savait toujours pas, ni l'énergie d'aillerus
5. La physique contemporaine a toutefois opéré une inversion en posant les trois forces fondamentales de l’univers (plus une quatrième, qui n’est pas de structure, donc moins fondamentale), les forces nucléaires, électromagnétiques et de la gravitation, qui en principe devraient devenir le modèle même de la force ; malgré leur banalité, les forces ‘locales’ sont dérivées, il semble qu’elles ne sont apparues qu’avec les vivants (voir mon chapitre 14). La question est celle de savoir si nous comprenons le caractère d’attraction à distance de ces forces fondamentales qui a tant surpris Newton. Prenons l’exemple du moteur de la voiture ((http://www.philosophieavecsciences.blogspot.com/Manifeste, §§ 20-21). Il y a une explosion d’énergie qui pousse le piston et donne le mouvement à la voiture, mais qu’en est-il de ‘force’ ? Il y en a de deux types : l’une, c’est la force électromagnétique qui liait les atomes d’essence en état liquide et que l’étincelle a eu comme conséquence de délier, avec passage à l’état gazeux ; l’autre, c’est la force du parois du cylindre qui retient les molécules du gaz. Les deux types se rapportent essentiellement à l’énergie, n’en sont point séparables. De même, on peut poser que la force nucléaire lie, retient les protons et les neutrons (les ‘attire’ ?), les empêche en tout cas de partir, de céder aux forces électromagnétiques des transformations chimiques (qui, elles, n’attirent que des électrons) et aux forces de gravitation. La force nucléaire retient les protons et neutrons, ils ne sont pas passibles ni de chimie ni des forces de gravitation. Celles-ci attirent les graves, solides, liquides ou gazeux dans notre planète, de même que les astres les uns vers les autres. Tandis que déliés, les molécules de gaz et protons et neutrons partent à toute vitesse, en tant qu'énergie qui n'est plus retenue par des forces. En bref, si l’on revient à notre moteur, on est amené à comprendre la force comme attraction, rétention, liaison, et l’énergie, comme explosion, expansion, dissémination, et qu’elles sont corrélatives.
6. Telle est la double proposition qu’il a fallu tenir pour être en mesure de décrire phénoménologiquement le champ de la physique et chimie à la façon des descriptions des champs des vivants, des sociétés humaines, du langage et du psychisme. La thèse de Derrida qui me guide ici dit qu’il faut déconstruire toute séparation philosophique - ou opposition conceptuelle, c’est la même chose - en tant que métaphysique. On pourrait dès lors conjecturer que ces deux ‘points aveugles’ de la physique newtonienne, force d’attraction à distance et expansion énergétique, relèveraient de définitions axiomatiques nécessaires à la physique, que l’on ne saurait expliquer à partir d’autres mais qui rendent possible d’expliquer ce qui s’en suit. En tout cas, la phénoménologie cherchée est partie de là, qu’il faille comprendre ensemble ces deux ‘inimaginables’ de chez Newton, la force et l’énergie, pour que l’atome et la molécule soient justiciables de l’ontologie proposée à partir des autres domaines scientifiques. En partant de la notion d’explosion (qui est peut-être le plus intéressant de l’hypothèse du Big Bang, à penser comme des forces qui se délient et laissent partir l’énergie), on propose donc que l’énergie est d’elle-même explosion, expansion, dissipation, entropie (au sens classique), et que la force est ce qui la retient, protons et neutrons au niveau nucléaire de l’atome, électrons au niveau de l’atome et de la molécule, graves et astres au niveau macroscopique en général. Donc la rétention des énergies (depuis la dimension des particules à celles des astres) serait la condition pour qu’il y ait de la matière, des atomes et des molécules, les plus petites assemblages capables de s’assembler à des niveaux plus complexes. La difficulté de la mécanique quantique et de ses particules serait due à ce qu’elles ne sont pas des ‘assemblages’, que de l’énergie déliée des forces qui la retenaient. Question: est-ce possible en laboratoire (accélérateur de particules?) de créer des atomes d'hydrogène avec des protons, neutrons et électrons? C'est-à-dire, on arrive à délier des forces nucléaires et électromagnétiques, en provoquant des explosions, et l'on ne peut pas les lier, revenir en arrière? Comment donc cela se sera-t-il passé après le big Bang?
1-3.1.2008

Sem comentários: