segunda-feira, 23 de junho de 2008

La question de l'évolution, sans déterminisme génétique

LA QUESTION DE L’ÉVOLUTION
Ni les seules mutations ni le dessein intelligent


1. Dans ces deux ‘réponses’ à la question de l’évolution il y a des présupposés philosophiques. L’un est un déterminisme qui part de l’ADN et prétend que ‘tout’ ce qui concerne les organismes vivants est déterminé par cet ADN, l’élément le plus simple étant la raison ultime du complexe, en bonne méthodologie cartésienne. Or, il est aisé à comprendre que l’ADN n’a de rôle que concernant le métabolisme de sa cellule, ce qui étant vrai pour toutes les cellules, laisse aux jeux de celles-ci - dans les tissus et organes – tout le reste du travail de reproduction de l’organisme; si donc l’on veut trouver un élément prépondérant, il faut le chercher dans la diversité des hormones qui jouent selon les ‘besoins’ circonstanciels de l’organisme dans son milieu écologique. Celui-ci est bien évidemment plein d’aléatoire et chaque organisme doit s’y débrouiller de son mieux, et pour trouver sa nourriture (chasser, manger les herbes qu’il faut) et pour ne pas être la proie d’autres plus forts. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que, autant les gènes retirés dans leur noyau cellulaire, que les hormones chimiques qui poussent à des comportements adéquats à cet aléatoire, sont aveugles par rapport à celui-ci. S’ils produisent une pulsion de faim, c’est à l’organisme en tant qu’ensemble de se débrouiller pour la satisfaire : sans déterminismes, mais avec plein de règles, microscopiques souvent, telles que les biologistes les étudient fort minutieusement. Ces règles servent justement à jouer dans tous les petits événements, bonnes et mauvaises rencontres de la scène de la jungle, mon texte le montre de façon assez aisée (chapitre 3, chapitre 11, I). Comme une voiture (Manifeste, http://www.philoavecsciences.blogspot.com/), qui pose les mêmes problèmes de non déterminisme : des règles qui jouent en fonction d’une scène aléatoire.
2. Dans l’autre ‘réponse’, il y aussi du déterminisme mais ‘global’, si l’on peut dire. Puisqu’il y a plein d’aléatoire, on cherche dans une Cause première - conçue à la façon d’un artisan qui fait une table et sait d’avance à quoi il veut venir – qui serait aussi une cause finale. Le problème ici c’est que, plus on soit proche des questions concrètes de l’évolution à comprendre, plus l’aléatoire demande des mécanismes fins (jusqu’à l’ADN et aux hormones) et moins on a besoin de ‘Dessein intelligent’, car plus celui-ci jouerait de façon aléatoire. Celui-ci n'a d'intérêt explicatif pour les grands plans: au niveau 'micro', l'aléatoire habituel de chaque organisme avec ses règles est suffisant.
3. Les deux ‘réponses’ opposées entre elles, se joignent en ceci que les deux supposent une séparation ou opposition entre chaque organisme vivant et son milieu écologique, aucune ne pense le fait que chaque organisme se nourrit d’autres vivants, selon la loi de la jungle, et que c’est dans ces échanges sans cesse de molécules à carbone qu’il faut chercher les mécanismes de l’évolution, que ce sont ces échanges et leur caractère essentiellement aléatoire qui demandent l’ADN retiré dans le noyau de la cellule, le jeu des hormones à faire jouer quand l'occasion se présente, etc. Ce qu’il faut donc, c’est penser les divers niveaux des rouages biologiques et leur articulation. Ce que fait le métabolisme, c’est de reproduire incessamment les macromolécules structurales de la cellule, faire - à partir des molécules à carbone plus petites que le sang charrie jusqu’à sa membrane - la synthèse des protéines indispensables à ses fonctions dans son tissu et organe respectif. Pour le réussir, la cellule a recours à (‘exprime’) un segment d’ADN, un gène, et le transcrit en ARNmessager qui servira de ‘guide’ à la structure de la protéine à synthétiser. Cette ‘expression génétique’ est réglée au niveau supramoléculaire de Prigogine, de ses ‘structures dissipatives’, en rapport avec le mécanisme de triage des molécules qui arrivent dans le sang. Il y a donc au moins deux éléments aléatoires dans cette ‘expression du gène’ à chaque moment - quelle protéine faut-il synthétiser? de quelles molécules dispose-t-on? - qui ne laissent pas penser le métabolisme en termes strictement déterministes.
4. Si l’on regarde maintenant du côté du sang qui vient à toutes les cellules et l'on tient compte du jeu de détection des divers taux qu’il faut y maintenir et du déclenchement des hormones pour le réussir (en poussant à la chasse, par exemple), on retrouve un niveau d’aléatoire plus élevé qui s’articule avec celui de chaque cellule que l'on vient de dire. Enfin, chez les mammifères, les conduites de chasse apprises dans un terrain connu impliquent un autre niveau encore d'aléatoire (entre hormones et le système organes périphériques de perception, cerveau et organes musclés de mobilité) articulé à celui du sang et de ses hormones homéostatiques. Ce que j’ai proposé, mais qui n’est pas du tout simple à penser, hélas !, c’est que, à chaque fois deux niveaux (l’un haussé à partir de l’autre à la façon de Prigogine) sont liés par une doublure de deux lois, indissociables et inconciliables, qui ‘résolvent’ l’enjeu respectif. Et ces trois ‘doubles liens’ (ou doubles binds) s’articulent entre eux, puisque le dessus de l’un est le dessous du suivant. Sans doute qu’il faudra des mutations génétiques, peut-être sont elles dues au hasard, mais ce mécanisme en fera la sélection de façon accordée et à la reproduction de l’organisme et aux altérations de l’environnement écologique, plus ou moins subites (ce qui, me semble-t-il, ferait justice à la proposition connue de Jay Gould).
5. C’est ce triplet (au moins) de doubles binds qui tisse, disons, les dispositifs biologiques de la reproduction sans cesse des cellules d'un organisme qui mange et respire, c’est, me semble-t-il, ce qui pourra rendre compte autant de l’évolution que de l’embryogenèse. De ces dispositifs ou mécanismes, le phénoménologue n’en sait rien. Un peu comme le physicien va chercher des instruments de calcul chez les mathématiciens, de même celui qui interroge plusieurs domaines scientifiques peut-il proposer une ‘logique’ aux savants de ces domaines, qui en feront ou pas leur profit. Elle permet de penser les répétitions strictes à un certain niveau (gènes, cellules spécialisées, hormones, comportements élémentaires appris) et l’enjeu des petites répétitions du niveau supérieur qui rendent possible parfois des événements face à des altérations écologiques subites, le triplet jouant à la façon de ressorts qui se renforcent et se flexibilisent mutuellement. Elle permet de penser des changements au niveau d’un organisme singulier et leur répercussion semblable chez d’autres ses voisins, plus ou moins vite puisque atteints par les mêmes secousses. Elle permet de penser que les mutations génétiques de hasard soient en général inhibées, seules acceptées à la longue celles qui se révèlent adéquates au triplet des doubles liens, mais aussi que parfois elles puissent percer sous forme de cancers. Tout autrement, ce triplet s'articulera à d'autres doubles binds anthropologiques, permettant de comprendre ce qui arrive quand des gens se heurtent, discutent ou deviennent amoureuses, ou bien des mouvements sociaux à divers niveaux, que sais-je ?
6. Ni les seules mutations donc ni le dessein intelligent. Il faut ajouter que dans ce débat autour de la ‘raison’ dans la compréhension de l’évolution, les défenseurs de celle-ci gagneraient à chercher des armes dans le camp opposé, juste dans Genèse 1, la première page de la Bible (la dernière du Pentateuque à avoir été écrite, d’ailleurs, probablement au début du 5e siècle av. J.-C.) et à son admirable construction de la création du monde en 6 jours. Car il s’agit, à l’époque où dominaient des vénérables cosmogonies mésopotamiennes, égyptiennes, grecques, d’un véritable texte de raison dans ses chiffres, classification et organisation du cosmos, d’une raison qui ne perd pas si on le compare avec le Timée de Platon, écrit une centaine d’années plus tard. Les 6 jours – qui encadrent 10 paroles de création - sont distingués en 4 jours avec 5 paroles (vv. 3-19) et 2 jours avec 5 autres paroles (vv. 20-31), en faisant deux ensembles de la même extension, 207 et 206 mots hébraïques (P. Beauchamp, Création et séparation). Cette ‘création’ sépare le Créateur de tout l’univers, soleil, lune, fécondité des espèces, de toute la matière dont sont composés les récits des dieux cosmogoniques : c’est donc une amorce de la critique théologique de ces cosmogonies, y compris du mythe d’Adam et Eve, et bien aussi des sacrifices et magies religieux de ces époques, critique qu’ont poursuivie, tout au long des siècles, la philosophie grecque et la Bible au sein de la théologie chrétienne : pré-histoire de la raison philosophique et scientifique européennes, y compris de la raison biologique elle-même.
1.1.2008

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